Aux origines du turf
“Les courses, vous le savez, c’est ma grande passion !”, dans les années 90 il n’était pas un dimanche sans qu’Omar Sharif se rappelle à notre bon souvenir, annonçant par là même la course support du quinté du jour.
“Bienvenue dans la 5ème de l’hippodrome de Flétry-le-Pinson. Dans cette course à réclamer sur PSF, départ à la volte, nous retiendrons principalement Galurin des Près. Il devra rendre la distance mais il fait toutes ses courses et se présente aujourd’hui déferré des 4.
Attention à Gros Papa qui peut inquiéter notre favori. Impressionnant au canter et en retard de gains, c’est un cheval qui cherche encore sa course.
Avec un bon parcours et s’il ne se retrouve pas nez au vent, Général d’Orignac n’est pas à exclure. Il a gagné arrêté lors de sa dernière course et sa musique parle pour lui.”
Des commentaires qui laissaient coi le téléspectateur lambda qui avait le malheur de tomber dessus par hasard…
Car admettons-le, le monde des courses hippiques reste relativement opaque pour le quidam qui n’a ni le temps ni spécialement l’envie de s’y intéresser. C’est un milieu qui, au-delà de jargonner à tout crin (lol), se plaît également à entretenir ses propres codes et règles, excluant de fait les non-initiés.
Et c’est en même temps ce qui en fait tout son charme et son attrait une fois qu’on s’y intéresse !
Les courses hippiques existent depuis sans doute aussi longtemps que l’Homme a domestiqué le cheval. Et les paris sur ces courses depuis aussi longtemps qu’elles existent.
Gageons que les sesterces s’échangeaient déjà abondamment pendant les courses de chars sous l’Empire romain !
Il faudra attendre le XIXème siècle pour voir apparaître les courses modernes telles qu’on les connaît aujourd’hui. D’abord sous l’impulsion de Napoléon, puis tout au long du siècle, les hippodromes fleurissent un peu partout en France et rencontrent un succès certain auprès du public.
Les paris se pratiquent déjà sur les hippodromes à cette époque bien sûr, mais ne sont pas du tout réglementés. Ce n’est qu’en 1891 que naissent les paris mutualisés: les parieurs ne jouent plus contre les bookmakers mais les uns contre les autres, le cumul des sommes jouées sont réparties entre les gagnants.
C’est ce système de paris mutualisés qui a toujours cours actuellement en France.
En 1930, les organismes des différents hippodromes de l’hexagone se regroupent pour former un service commun: le Pari Mutuel Urbain.
Le PMU détient alors le monopole des paris hippiques en France, permettant également de proposer des points de vente extérieurs aux hippodromes, qui favoriseront l’essor de la société.
Acteur historique des paris hippiques, le PMU reste aujourd’hui un acteur majeur au niveau mondial.
Le passage à internet
Comme dans tous les autres secteurs d’activité, l’arrivée d’internet aura fait bouger les lignes.
Le PMU conserve dans un premier temps son monopole en France, mais la régulation des jeux en ligne en 2010 change la donne: les paris hippiques sont désormais ouverts à la concurrence.
Zeturf, Genybet, Betclic ou encore Unibet s’invitent sur le marché français. A noter que les paris mutualisés restent malgré tout les seuls autorisés pour ces opérateurs.
Fait intéressant, le PMU conserve son monopole sur les points de vente physiques. Mais suite aux plaintes portées par les opérateurs concurrents, il est contraint en 2015 de séparer les masses jouées entre paris en points de vente et paris en ligne.
En effet, son monopole sur les points de vente permettait au PMU de proposer des cotes et rapports beaucoup plus favorables que la concurrence, compte tenu du volume de jeux décuplé par les points de vente (les paris hippiques en point de vente représentent environ 80% du volume de jeux total). Ceci s’apparentait à une concurrence déloyale, ou un abus de position dominante.
Les rapports sur le PMU peuvent donc désormais différer entre les points de vente et internet.
Quelques chiffres
Quelques chiffres qui permettent de situer les paris hippiques par rapport aux paris sportifs:
- Il y a 7 fois moins de joueurs dans les paris hippiques en ligne que dans les paris sportifs en ligne (625 000 contre 4 457 000 en 2022), pour un volume de mises 6 fois inférieur (1.4M contre 8.3M en 2022).
- Au-delà de son activité en ligne, le PMU compte 13 000 points de vente, pour un volume de mises de 6.8M en 2022 (ratio de 80/20 entre points de vente et en ligne).
- Le cumul des mises en points de vente et en ligne équivaut donc au même ordre de grandeur que le volume de mises des paris sportifs en ligne.
- Le parieur hippique a 44 ans quand le parieur sportif a 29 ans en moyenne.
- Les paris hippiques ne comptent que 10% de 18-24 ans, quand les paris sportifs comptent plus de 50% de 18-34 ans.
- 18% des parieurs hippiques sont des femmes, contre 15% des parieurs sportifs.
- Le TRJ moyen des paris hippiques est de 76%, contre 83% pour les paris sportifs.
Observons un peu plus en détail le TRJ dans les paris hippiques, qui est en réalité très dépendant du type de pari:
-85% pour le pari simple
-74% pour le couplé et le “2 sur 4”
-autour de 65% pour le trio, quinté et autres
Autant dire que seul le pari simple offre un TRJ à peu près correct, le reste est catastrophique et il semble compliqué d’en sortir gagnant.
Quel avenir pour le turf?
Comme nous l’avons vu, le parieur hippique est vieillissant, c’est un univers qui peine à attirer les nouvelles générations.
Avec l’engouement des jeux en ligne en général, surtout auprès des plus jeunes justement, les opérateurs cherchent depuis quelques années à les attirer vers le turf.
D’abord par le biais d’offres croisées mêlant turf et poker ou paris sportifs, des ponts de toutes sortes entre les différents univers de jeu dans le but d’inciter les joueurs à découvrir l’ensemble de l’offre de jeu de l’opérateur.
Egalement via des célébrités issues du monde du sport, présentées dans des campagnes publicitaires comme les nouveaux ambassadeurs des paris hippiques.
Et c’est cette approche qui est peut-être la plus intéressante, parce que depuis Omar Sharif et Guy Lux (!) c’était un peu le vide cosmique niveau célébrités connues de tous les Français et ambassadrices des courses hippiques… soit 30 ans sans grande personnalité externe au milieu pour assurer la publicité !
Il était temps de trouver des noms pour remettre les courses hippiques au goût du jour, Antoine Griezmann et Tony Parker remplissent parfaitement ce rôle aujourd’hui.
Stars de leur sport, particulièrement appréciés et suivis notamment par les jeunes (bon surtout Griezmann, notre TP national commence à avoir quelques années maintenant), ils sont en plus véritablement intéressés par la discipline et en sont aussi des acteurs puisqu’ils possèdent tous deux plusieurs chevaux de course.
Ce petit vent de fraîcheur dans la communication suffira-t-il à raviver la passion pour les courses hippiques dans la population? Probablement pas, restons réaliste.
Au fond, les courses de chevaux sont un peu comme les courses cyclistes, deux univers qui semblent hors du temps ou en décalage avec le présent, dans lesquels on décèle un arrière-goût de nostalgie d’une époque révolue. Et ça, on aime ou on déteste.
Si la communication actuelle arrive à faire adhérer suffisamment de jeunes pour faire vivre et perdurer la filière, ce sera déjà une réussite.