Turf (2013)

De Fabien Onteniente

“Comment? Un film d’Onteniente sur l’univers du turf?! Mais c’est trop bien!”
Je dois faire un aveu, ça faisait des semaines que j’étais démesurément excité à l’idée de découvrir ce film, encore plus en voyant les mauvaises notes. Onteniente, Chabat Baer et compagnie, tout ce petit monde sur des champs de courses, qu’est-ce qui pouvait mal se passer? Ce serait forcément soit un énorme nanar soit une bonne dose de n’importe quoi sans queue ni tête.
Ni l’un ni l’autre finalement, et c’est peut-être ça le plus décevant…

Le pitch

Quatre amis se retrouvent régulièrement dans un PMU pour jouer au tiercé, avec passion mais toujours sans succès.
Jusqu’au jour où ils font la rencontre d’un certain Monsieur Paul, personnage trouble qui les convaincra d’acheter l’un de ses “chevaux de courses”. Les voilà propulsés de l’autre côté des champs de courses, côtoyant entraîneurs et autres propriétaires. Les quatre acolytes découvriront ensemble les joies et surtout les galères de ce milieu.

La perception du joueur dans le film

Vu le genre de comédie on aurait vraiment pu s’attendre à des caricatures grossières de parieurs de bistrot, heureusement ça nous a été épargné.
Les protagonistes présentent des profils de joueurs différents: le joueur compulsif, le “bon père de famille” qui prend le risque minimum, ou encore l’adepte des dates de naissances et autres numéros fétiches.
Mais ça aura peu d’importance dans l’histoire, le joueur est en réalité peu mis en avant, le film s’attarde beaucoup plus sur l’autre côté de l’univers des courses.
Bien sûr on nous décrit un milieu teinté d’escroquerie, on n’évite pas ce cliché, il s’agit surtout d’un ressort très pratique à utiliser dans la narration pour construire une histoire un minimum intéressante à peu de frais.

Onteniente, une vie, une oeuvre

Fabien Onteniente, ce sont d’abord les trois films Camping, mais aussi Jet Set, Trois Zéros, Disco, ou plus récemment All Inclusive. Une filmographie à ne pas regarder d’une traite, pour préserver votre santé mentale et vos neurones.
Donc on le comprend, Onteniente est un peu le Patrick Sébastien du cinéma: c’est souvent lourd, maladroit et pas si drôle, parfois même beauf voire limite gras, mais ça assume complètement !
C’est un cinéma “populaire”, et on sait toujours à peu près à quoi s’attendre en allant voir ses films, c’est-à-dire à pas grand chose…

Les critiques sont dures à son égard, pour Turf également qui nous intéresse ici, pour 2 raisons principales selon moi:
-Ca sort au cinéma et personne n’a envie de payer pour regarder ça. Ce seraient des téléfilms sympas, mais ce sont objectivement de mauvais films de cinéma (Turf a d’ailleurs été un gros échec commercial).
-Il y a un malentendu depuis le début du cinéma, entre ceux qui attendent des oeuvres et ceux qui attendent du divertissement. S’ils ont le même support et qu’on les appellent tous des films, ils n’ont en réalité pas grand chose en commun, ni dans leurs objectifs ni dans leurs portées.
Il faut surtout regarder un film dans l’état d’esprit qui lui correspond, comme une oeuvre ou comme un divertissement. Ici on est évidemment sur du divertissement à 100%, il n’y a jamais eu d’autres prétentions, ce sera donc automatiquement boudé par ceux qui recherchent autre chose d’un film.

Concernant Turf, est-ce qu’il est divertissant? Pas toujours, c’est là que le bât blesse. Mais il n’est ni indigeste ni irregardable comme d’autres comédies, on nous a vendu tellement pire dans le sous-genre des comédies françaises.

Victoire à la photo finish grâce à… une langue tirée… Ce moment “jumping the shark” de beaucoup de comédies françaises, qui vous fait instantanément sortir de l’histoire et vous plonge dans une angoisse existentielle à vous demander pourquoi vous gâchez votre temps libre alors que la vie est si courte. Chez Onteniente vous en trouverez au moins quatre par film.

Avis général

Bien sûr le film a beaucoup de défauts.
D’abord la présence de trop d’acteurs connus et de guests dans tous les sens, qui n’apportent absolument rien et au contraire desservent le film puisqu’il faut caler la petite scène avec untel et untel, ceci au détriment de la narration et de la fluidité de l’histoire.
La construction est très convenue, en plus d’être maladroite. La romance qui vient de nulle part, la chute puis l’ascension des protagonistes, avant une dernière grande péripétie, résolue par un quasi deus ex machina, rien ne risque de nous surprendre. Et ceci avec beaucoup de scènes dispensables et de situations totalement improbables au cours desquelles le public devra exercer sa “suspension consentie d’incrédulité” pour ne pas définitivement décrocher.
C’est typiquement le genre de film qui ne devrait pas durer plus d’une heure, mais long métrage oblige il faut fournir 1h30 de contenu, alors on rallonge artificiellement et on force des “idées” pour rien.

Malgré tout rien n’est vraiment désagréable dans le film, comme dit plus haut c’est un téléfilm correct.
Les prises de vues des courses de chevaux sont même plutôt chouettes !
L’humour n’est pas trop lourd (comparativement à la filmographie du bonhomme, entendons-nous, vu le sujet on aurait pu s’attendre à un niveau de beauferie rarement atteint), juste très moyen.
Honnêtement j’ai soufflé du nez deux ou trois fois sur des détails, mais pas franchement sur ce qui était prévu pour faire rire.

Une comédie qui se laisse donc regarder facilement, et qui s’oubliera aussi vite. A réserver pour tuer l’ennui d’un dimanche après-midi pluvieux.

Edouard Baer, agacé, feuillette distraitement ce qui lui tombe sous la main, une aventure de Babar. Une demi-seconde presque imperceptible sans arrêt sur image, ça m’a fait rire je reconnais…