Tickets à gratter FDJ, un jeu de hasard

-Salut Michel, qu’est-ce que je te sers aujourd’hui ?
-Comme d’habitude, un expresso sans sucre, et tiens mets moi deux tickets de Cash, s’il te plaît.
Gérald, buraliste depuis plus de 20 ans, lui répond avec un clin d’œil :
-Tu ne préfères pas deux Jackpot ?
-Allez, va pour deux Jackpot. Merci, Gérald !  

Vous vous souvenez de mon dernier article sur “Battre la maison” ? Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous encourage à le faire ici. Aujourd’hui, nous continuons sur le même thème, mais en nous intéressant aux jeux de grattage de la FDJ.
Peut-on vraiment tirer son épingle du jeu avec ces tickets ? À première vue, il semble impossible d’être bénéficiaire à long terme, et ce n’est pas seulement mon avis, mais celui de la Française des Jeux elle-même. En effet, la FDJ publie les taux de retour joueur (TRJ) pour chacun de ses jeux, et les chiffres sont explicites. Alors que les parieurs font la moue avec un TRJ de 90 %, pour les meilleurs jeux de grattage, on parle de seulement 70 % environ.

Prenons par exemple le célèbre millionnaire (celui qui a le meilleur TRJ), voici les chiffres : Pour 6 000 000 de tickets, 1 793 014 tickets sont gagnants avec 73.5% des mises qui sont redistribuées aux joueurs sous forme de gains. La FDJ fournit même la répartition des gains :

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le concept de TRJ, voici une petite mise au point : quand vous achetez un ticket Millionnaire à 10 €, vous perdez en moyenne 2,65 € sur le long terme. Si vous jouez 10 tickets par mois, cela vous coûtera 318 € par an. Mais ça c’est dans le meilleur des cas, vous comprendrez bientôt pourquoi c’est certainement plus !

La répartition des lots : le secret (plus maintenant) de la FDJ

Mais alors pourquoi Gérald, le buraliste, a-t-il redirigé son fidèle client Michel vers des tickets de Jackpot alors que ce dernier voulait des tickets de Cash ? Et bien Gérald a peut-être une info en or : la grand-mère de la petite Hélène qui vit au 19bis a gagné 200€ au Cash hier. Chaque mercredi, elle vient acheter un Cash, un Astro et un Banco chez Gérald, puis s’installe confortablement au fond de la salle avec un petit verre de blanc sec pour ensuite gratter avec la plus grande attention ses trois tickets.
Grâce à cette info, Gérald sait qu’il n’y a plus aucune chance de décrocher un gros lot avec ses tickets Cash restants. Au mieux, vous gagnerez juste de quoi racheter un autre ticket à 5 € !

C’est suite à l’enquête de Robert Riblet que la méthode de répartition des lots de la FDJ a commencé à être dévoilée. Contre toute attente, il s’avère que les lots ne sont pas distribués de manière totalement aléatoire, mais selon une répartition bien encadrée.

Pourquoi la FDJ fait-elle cela ? La répartition des tickets gagnants est conçue pour être uniforme à travers les différentes régions, évitant ainsi une concentration de lots dans une seule zone. Cela garantit que les chances de gagner sont équivalentes, peu importe où le ticket est acheté. Les tickets sont imprimés en grandes séries, et chaque série contient un certain nombre de lots gagnants répartis selon les probabilités annoncées.

Robert Riblet nous apprend alors que les tickets sont ensuite divisés en talons de 50 (distribués aux buralistes) et que dans chaque talon, il y a soit un lot dit significatif (20 € ou plus) soit aucun, mais jamais plusieurs. De plus, chaque talon contient environ 50 € répartis en lots mineurs.

L’homme qu’aucune entreprise ne veut avoir sur le dos


Un peu de mathématiques (de comptoir)

Gérald est un homme honnête qui gère son établissement avec brio depuis plus de 20 ans, malgré la précarité économique qui règne dans les alentours. Il a traversé des périodes de hauts et de bas. Son bar, fidèle à l’esprit des petits troquets de province, est un peu rétro, mais il garde ce charme unique des bars PMU de France reconnaissable à des kilomètres.
Bien que Gérald puisse aiguiller ses clients fidèles comme Michel lorsqu’il sait qu’un gros lot est déjà tombé, il n’a jamais essayé de profiter personnellement des jeux de grattage grâce à son statut de buraliste.

On ne peut pas en dire autant de tous les buralistes. Dans le bar-tabac de la petite ville voisine, le buraliste et deux amis se retrouvent régulièrement après la fermeture pour une petite séance de grattage. Leur rituel est bien rodé : les trois hommes grattent à la chaîne des carnets de tickets de Cash, d’Astro, de Banco, et plus encore…

Voici leur technique : ils prennent un carnet de tickets, souvent de 50, et grattent jusqu’à trouver un lot significatif. Une fois ce lot découvert, le buraliste remet en vente le reste du talon, qui est alors presque à sec. Parfois, la chance leur sourit et le gros lot tombe rapidement, dès les premiers tickets. D’autres fois, ils doivent gratter jusqu’au 50ème ticket sans trouver le moindre gros lot.

Mais au final, est-ce que ces trois compères sont vraiment gagnants à long terme avec cette méthode ?

Voyons cela de manière simplifiée :

Prenons l’exemple de 500 000 tickets à gratter, répartis en 10 000 carnets de 50 tickets chacun, au prix de 3 € par ticket, avec un TRJ de 68 %. C’est à peu près ce qu’on retrouve avec un jeu comme le Maxi Goal de la FDJ.

Voici comment les choses se répartissent dans chaque carnet :

  • Il y a soit un lot significatif (20 € ou plus),
  • Soit aucun lot significatif,
  • Mais jamais plusieurs lots significatifs dans le même carnet.
  • En plus, chaque carnet contient 50 € répartis en petits lots (10 €, 6 €, 4 €, et 3 €).

Si l’on regarde le tableau, on voit qu’il y a 7 697 lots significatifs pour 10 000 carnets, ce qui signifie que 2 303 carnets sont dépourvus de gros lot (environ 1 sur 4). En d’autres termes, pour chaque groupe de 4 carnets, en moyenne 3 contiendront un lot significatif, tandis qu’un seul sera vide.

  1. Pour le carnet sans lot significatif, les trois amis devront gratter jusqu’au dernier ticket, soit les 50 tickets, pour un gain total de 50 € répartis en petits lots (10 €, 6 €, 4 €, et 3 €). Ils auront dépensé 150 € (50 tickets à 3 € chacun) pour récupérer seulement 50 €, ce qui représente une perte nette de 100 €.
  2. En revanche, pour les 3 carnets contenant un lot significatif, les trois compères gratteront en moyenne 3 x 25 tickets (soit la moitié d’un carnet) avant de trouver le gros lot. La probabilité de découvrir le gros lot est la même pour chaque ticket, du premier au dernier. Pour ces 3 carnets, ils auront donc gratté en moyenne 75 tickets pour obtenir 3 x 25 € en petits lots et 3 x 68 € en gros lots. Les 68 € représentent la valeur moyenne d’un lot significatif. Ils auront dépensé 225 € (75 tickets à 3 € chacun) pour récupérer 3 x 25 € + 3 x 68 €, soit 279 €, ce qui leur donne un bénéfice net de 54 €.

En résumé, pour chaque tranche de 4 carnets (avec 3 contenant un gros lot et 1 sans), les trois filous auront une perte moyenne de 46 € (-100 € + 54 €).

Les trois compères qui espéraient s’enrichir avec cette méthode amélioreront certes leur TRJ de 20 %, passant de 68 % à 88 %. Mais ce sera toujours insuffisant pour réaliser un bénéfice. En fin de compte, ils finiront par perdre de l’argent petit à petit. La FDJ a très probablement anticipé ce genre de tactique.

Je tiens à préciser que sont des mathématiques approximatives, je ne suis pas du tout mathématicien. D’ailleurs si c’est très éloigné de la vérité n’hésitez pas à me corriger en commentaire ce serait avec plaisir ! 

tickets à gratter fdj
Maxi Goal, c’est comme parier sur les buteurs de l’Euro. Beaucoup de promesses peu de gains. TRJ 68%

Pour conclure :

Il semble donc qu’il soit possible de tirer son épingle du jeu avec les tickets de grattage de la FDJ, mais ce n’est pas une tâche facile. Pour y parvenir, il faut suivre attentivement les tickets grattés pour savoir si le gros lot a déjà été remporté ou non. Il faut également être capable de déterminer si l’information dont on dispose permet de jouer de manière rentable suivant le nombre de tickets restants dans le carnet.

En d’autres termes, il faut obligatoirement se trouver dans une position particulière : être buraliste, complice d’un buraliste, ou même avoir un poste à la FDJ pour accéder en temps réel aux tickets gagnants. Sans cela, il est pratiquement impossible de changer la donne et de devenir gagnant aux jeux de grattage.
Pire encore, si vous n’êtes pas un habitué de l’établissement, il y a de fortes chances que vous achetiez des tickets d’un carnet déjà asséché de son gros lot. Il est au final assez naturel, et peut-être même humain, que les buralistes privilégient leurs amis, leur famille ou leurs clients fidèles lorsqu’ils ont des informations avantageuses. En conséquence, votre TRJ pourrait en prendre un sacré coup !

Cependant, il est crucial de souligner que ce système de répartition des lots de la FDJ date de plusieurs années. Il est possible qu’il soit toujours en place, ou qu’il ait été modifié depuis.
D’autre part, Robert Riblet n’a pas remporté son procès contre la FDJ. Il semble que la FDJ préfère garder ses secrets de maison bien au chaud, car elle aurait voulu “offrir” une certaine somme à R. Riblet (qu’il a refusé) et à d’autres plaignants qui voulaient s’attaquer à cette affaire, en échange d’abandon.

J’espère que cet article vous a plu et vous a appris quelque chose ! Si c’est le cas, n’hésitez pas à nous soutenir avec un petit commentaire en dessous. Rendez-vous dans deux semaines pour un nouvel article et un nouveau thème !

tickets à gratter fdj
Losange TABAC rouge, enseigne 1664 et kro’, le petit nom indémodable, la couleur verte du PMU et bleu de la FDJ… Patrimoine